Page:Grillet - Les ancêtres du violon et du violoncelle, 1901,T1.djvu/27

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être accordée à l’Occident, car non seulement les gammes orientales ne se prêtent pas toujours aux combinaisons de sons simultanés, mais les peuples eux-mêmes n’ont pas un goût harmonique très prononcé. Villoteau cite un fait bien caractéristique à ce sujet : « J’ai connu à Paris, dit-il, un Arabe qui aimait passionnément la Marsellaise, et qui me demandait souvent de lui jouer cet air sur le piano ; mais lorsque j’essayais de le jouer avec son harmonie, il arrêtait ma main gauche en me disant : Non, pas cet air-là ; l’autre seulement. Ma basse était, pour son oreille, un second air qui l’empêchait d’entendre la Marseillaise. »

Quoi qu’il en soit, que l’archet ait été trouvé par hasard ou que l’on doive sa création à un besoin musical quelconque, ce n’est pas en Orient, mais en Europe, en France, qu’il est signalé pour la première fois.

Venantius Fortunatus, évêque de Poitiers, à la fin du vie siècle, cite le crouth breton, dont nous avons déjà parlé, comme un instrument aussi connu de son temps que l’achillienne grecque, la lyre romaine et la harpe. Pour être mentionné de la sorte, il fallait bien que le crouth fût déjà d’un usage très ancien.

Il n’était cependant pas encore connu en Gaule lors de la conquête romaine, et Jules César n’en parle pas dans ses Commentaires, où il constate le goût musical des Gaulois. Le grand capitaine évite, il est vrai, d’y parler avantageusement des peuples vaincus, et s’étend, au contraire, avec beaucoup de complaisance sur tout ce qui est favorable aux Romains, mais comme il était très passionné de musique[1], cet instrument l’aurait sans doute vivement intéressé par sa

  1. Jules César attira de nombreux musiciens près de lui ; Suétone porte à dix ou douze mille le nombre de ceux qui vivaient à Rome de son temps.