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Page:Gros - Les explorateurs contemporains des régions polaires, 1881.djvu/84

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le drame du polaris.

Les deux chasseurs se mirent aux aguets faisant agilement le tour de leur minuscule île flottante.

Leurs premières recherches ne furent pas couronnées de succès. Cependant on en était arrivé aux dernières extrémités. Pemmican, biscuits, viande d’ours et de phoque, avaient été absorbés et l’on en était réduit, pour tromper les rigueurs de la faim, à mâcher entre ses dents des peaux de phoques déjà sèches.

C’est souvent dans les situations les plus désespérées, alors même que tout semble perdu, que la Providence vient en aide aux malheureux d’une façon si inattendue que ceux-ci sont tout disposés à crier au miracle !

Le soir du 24, Joë et Hans s’étaient mis à l’affût sur un des bords du glaçon qui leur servait de refuge ; le froid très vif, une obscurité crépusculaire, l’affaiblissement causé par les privations et l’absence de nourriture, les tenait l’un et l’autre dans une sorte de somnolence inconsciente, quand des craquements produits dans la glace et un bruit de pas pesants et précipités les tira de leur demi sommeil.

Un ours blanc qui cherchait aventure, et dans l’espérance de trouver une proie, explorait successivement tous les glaçons entraînés dans la débâcle, sautant de l’un à l’autre chaque fois que les hasards du courant les rapprochaient suffisamment, aperçut de loin, dans le demi jour, ces deux hommes accroupis sur la neige et pensa voir en eux des phoques dont il espérait bien faire sa pâture.