Page:Groslier - À l’ombre d’Angkor, 1916.djvu/175

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Au pied du temple, sous les citrons et les pamplemousses, c’est la paix heureuse des bonzeries ; les anciens bassins sacrés où s’étalent les coupes de porcelaine rose des lotus ; et au delà, de grands arbres où des colonies de cormorans ont installé leur cité. Ils soignent leurs petits, passent en planant, le cou gonflé de poisson, ou bien, aux heures chaudes, restent immobiles au sommet des branches, les ailes ouvertes dans le soleil, comme des oiseaux crucifiés.

Lorsque, quittant les bords du Mékong, je me suis enfoncé dans les terres, nulle part au Cambodge, je n’ai encore ressenti une impression aussi forte de vie et de prospérité. La région d’Angkor n’est que désert et aucun des villages qui la peuplent ne sauraient être comparés aux villages d’ici.

Venant de Beng Méaléa, je suis arrivé au coucher du soleil au village de Damrong, situé au pied d’une tour antique. Pendant deux heures, j’ai marché à travers des rizières hautes comme la croupe de mon cheval. Elles s’étendaient jusqu’à l’horizon où commençait la forêt claire — le désert — que je venais de parcourir depuis l’aube. Des nuages rouges, semblables à des écrasements de