terriblement armés ; les bambous sont recouverts d’épines acérées et longues comme des poignards. Il faut souvent tailler sa route à coups de hache, et qui se referme derrière vous dans une ombre humide et accablante. Voici l’eau : le gavial y somnole, ou des tortues au long cou et au bec d’aigle qui vous arrachent des morceaux de chair. Il y a encore de longues herbes coupantes comme des faulx. La quinine absorbée chaque jour occasionne des bourdonnements d’oreille. Le front plie sous le fardeau du casque trop lourd. Vous allez ainsi des semaines entières dans ces solitudes. Et c’est dans cet état que vous devez vous servir de toutes vos facultés. Repoussé par cette nature sauvage qui vous est si hostile, il faut cependant s’accrocher à elle de toutes ses forces, si l’on veut lui dérober quelques-uns de ses mystères, quelques-unes de ses beautés. La lutte est inégale, — mais belle et passionnante.
A mon retour du village, j’ai dit à un coolie d’aller dans une mare me cueillir des lotus roses. Grosses comme les deux poings, saignantes, lourdes, ces fleurs luisaient étrangement sous les arbres et sur l’eau noire. Un oiseau cria dans les