Page:Groslier - À l’ombre d’Angkor, 1916.djvu/50

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de parfum qui passent sur l’eau, d’une rive à l’autre !

Une grosse averse est tombée. C’est la saison des pluies qui commence. Le fleuve était tout hérissé de gouttelettes rejaillissantes. Les pagayeurs, brillants comme des bronzes, tête baissée, rasaient les arbres. Ils avaient protégé les bagages de grandes feuilles de palmiers à sucre, plissées, et ouvertes comme des éventails.

Mon boy annamite, presque nu, cambré à l’avant du sampan, levait ses bras et sa tête vers le ciel, dans l’ondée rafraîchissante. Il semblait continuer la proue de la pirogue comme la statue d’un jeune dieu, sculpté dans l’ivoire, et placé là pour fendre l’air et la vague.

Il poussa de longs cris pour apeurer davantage les singes de la rive. Les coolies crièrent à leur tour. Et les voix de tous ces hommes, grondantes, joyeuses, s’élançaient dans la pluie jusqu’aux sommets des arbres, amplifiées par la sonorité des solitudes et renvoyées par l’eau comme un tonnerre venant d’en bas.

Un arbre s’était effondré dans le fleuve, mais les lianes qu’il avait entraînées, s’étaient retenues à ceux