Page:Groslier - À l’ombre d’Angkor, 1916.djvu/52

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le ciel sont à moi et — puisque je suis seul — à moi seul.

Dans les campagnes de France, en peut-il être ainsi ? L’homme partout présent, ramène tout à lui. Un champ de blé éveille l’idée de moisson. La forêt appartient à quelqu’un. Le fleuve est battu par l’hélice. Et toujours, l’esprit heurte le cercle de fer des nécessités civilisatrices.

Ici, rien de semblable. Du nid de feuilles où mon sampan est amarré, je m’élance jusqu’aux sommets des arbres de l’horizon. Aussi long soit-il, pas une fois dans ce parcours, l’idée de l’homme ne s’interposera, puisque l’être humain est entièrement lié à la nature, et que ni ses actes, ni ses aspirations ne l’en séparent.

Après avoir décrit de grands cercles dans la plénitude de sa force, de sa jeunesse, mon esprit libre pourra fondre ou se poser doucement en un endroit quelconque, sans que jamais un obstacle ne l’empêche ou de veiller, ou de dormir sous ses ailes reployées.