Page:Groulx - Chez nos ancêtres, 1920.djvu/43

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tème milliaire de France ; le point central. Il partira aussi volontiers pour le fond de la Baie d’Hudson que pour le Golfe du Mexique… ».[1]

Tout le monde alors est habile à manier l’aviron et le canot : les hommes, les enfants, les femmes. « Les petits Canadiens, nous affirme Charlevoix, s’y exercent dès la bavette ». Et toutes les mères canadiennes de ce temps-là en regardant au bord de la grève ces jeux d’enfants, songent, sans doute, avec une angoisse au cœur, qu’un jour les frêles embarcations leur emporteront leurs grands fils. À la maison, leurs pères, leurs grands frères revenus des pays d’en haut racontent de surexcitantes aventures ; et les têtes des touts petits se voient hantées de bonne heure par les mirages lointains. Un jour, hélas, ils partent une vingtaine de la même côte, dans leurs petits canots, fabriqués alors presque tous aux Trois-Rivières, coquilles d’écorce de bouleau, cousues avec des fibres, d’environ deux pieds de large et de vingt à trente pieds de long, renforcées au dedans de varangues et de lisses de cèdre ou de sapin, assez résistantes pour soutenir aisément quatre avironneurs et huit à neuf cents livres pesant de bagage, assez légères pour qu’un homme les porte à lui seul, sur sa tête, dans les portages.[2] Ils s’en vont comme cela, les gars de nos campagnes, à Détroit, à Michilimakinac,

  1. Forestiers et voyageurs, p. 7.
  2. Voyage de Franquet. (Annuaire de l’Institut Canadien de Québec, 1888, p. 45), Louis Jolliet, Gagnon, pp. 63-64.