Page:Groulx - Chez nos ancêtres, 1920.djvu/66

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ils sont rares. Les maisons se distancent de trois à quatre arpents. La géographie, les ascendances ethniques, les exigences de la vie nouvelle ont déterminé cette disposition. Le colon canadien a voulu mettre sa maison à portée du fleuve, l’unique route. Ancien petit propriétaire de Normandie ou du Perche, à domaine très clos, il a voulu mettre, entre lui et ses voisins, assez de distance pour rester indépendant, assez de proximité pour recevoir du secours contre un premier ennemi qui s’appelle l’Iroquois, et contre un autre qui s’appelle l’isolement. C’est donc partout, sur les deux rives du fleuve et des rivières, la longue théorie des maisons et de leurs bâtiments, avec en arrière les champs et les prairies jusqu’à la lisière de la forêt. Aux carrefours des routes apparaissent les croix ; elles sont rustiques, mais hautes ; elles attestent dans les âmes la hauteur de la croyance ; elles la disent avec éclat par tous ces instruments du Calvaire qui les ornent ; elles confessent naïvement la fraternité de la foi par leur petite niche vitrée où se cache une statue et par leur tronc pour les âmes du purgatoire. Cette fraternité, les habitants l’affirment parmi eux, dans les beaux soirs d’été, quand tous ceux de la côte viennent se grouper au pied du Calvaire rustique pour y réciter la grand’prière.

Une seule chose dans la campagne canadienne s’élève plus haut que les croix des che-