Page:Groulx - Chez nos ancêtres, 1920.djvu/80

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donc, traîné sur quatre roues, un long sapin de soixante pieds, décortiqué jusqu’à la fine pointe où n’était laissé que le « bouquet » surmonté d’une girouette. Tous les hommes et les jeunes gens de la paroisse étaient sur le lieu, transformés pour la circonstance en coureurs de partis de guerre. Ils portaient le costume militaire, avaient le fusil à la main, la corne de poudre en bandoulière, la hache et le casse-tête passés dans la ceinture. On creusait tout d’abord la fosse du mai ; puis un coup de fusil annonçait une ambassade chez le héros de la fête. On allait tout bonnement lui demander la permission de planter un mai devant sa porte. Des cris de joie accueillaient le retour des ambassadeurs qui, bien entendu, revenaient toujours avec la permission. Alors les planteurs du mai se mettaient pieusement à genoux ; ils demandaient à Dieu de les préserver d’accidents pendant toute la journée. La prière faite, commençait l’érection du sapin : il n’y fallait qu’un petit quart d’heure. Soutenu par des étamperches, le mai s’élevait rapidement, descendait dans la fosse, y était fixé. Un nouveau coup de fusil annonçait une deuxième ambassade. Cette fois on allait prier le seigneur ou le capitaine de venir arroser le mai avant de le noircir ; et, comme symboles de sa mission, l’un des ambassadeurs portait un fusil et un verre d’eau-de-vie. On trinquait.