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LE COIN S’INTRODUIT

— Oh ! je l’ai entrevu une fois, presque en courant, un automne que je passais là pour une courte mission, répondit le Père Fabien. Le curé, un brave homme qui raffolait naturellement de sa paroisse, comme ils font tous, m’avait pris en voiture ; il m’avait conduit sur les hauteurs de ce que vous appelez, je crois, la Petite-Côte. Là, me montrant la plaine en bas, il m’avait dit : « Voyez quel beau pays ! » En effet, c’était beau. De loin, du haut de ces terrassements que le mont de Rigaud prolonge jusqu’aux Cascades de Quinchien, j’enveloppai d’un coup d’œil cette plaine qui pousse de larges antennes au milieu de son beau lac et qui s’encadre doucement dans la ligne bleue des Deux-Montagnes. J’aperçus des champs superbes, panachés de grands ormes, les vrais rois, vous savez, des terres franches et riches. « D’éclatantes génisses », eut dit Lamartine, émaillaient le vaste damier aux carreaux verts et jaunes. Puis, au bout de chaque terre, s’élevait la maison, tantôt blanche, tantôt grise ou rouge, mais toujours large et trapue, comme il convient à une ruche d’enfants. À quelques pas des maisons, les granges, vastes aussi, se donnaient un petit air féodal avec les hautes tours de leurs silos. Que vous dirai-je encore, mon cher pèlerin ? Dans le bain vivifiant de ses grandes eaux et dans son pittoresque discret, ce pays me parut la patrie naturelle d’une race robuste et fine, bien équilibrée, laborieuse… Voyons, est-ce cela ?