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LE CHOC SAUVEUR

gue gravure vers laquelle il vient de lever les yeux, lui offre, en ce moment même, son attristant symbole. L’avocat embrasse d’un coup d’oeil ce basrelief romain où se déploie l’ascension d’un imperator au Capitole. Tableau familier mais qui, ce soir, lui livre un sens nouveau. Rêveur, il suit donc mélancoliquement ces longues files de musiciens mercenaires, vaincus d’hier marchant au pas rythmé, et qui soufflent dans les longues trompettes, l’hosanna du triomphateur.

Lantagnac, nous l’avons dit, n’était jamais allé jusqu’au mépris de sa race. Son esprit trop noble avait ignoré le prosélytisme à base de haine. Si même il remontait à la genèse de sa conversion patriotique, il ne pouvait se le cacher : ses premiers dégoûts lui étaient venus des discours humiliés et des attitudes trop serves de quelques Irlandais et de quelques Canadiens anglicisés.

Pourtant si la psychologie de l’assimilé donnait raison des propos violents de Duffin, elle n’expliquait point la menace de l’Irlandais de se jeter en pleine lutte. Lantagnac voyait malaisément son beau-frère, orateur à voix de fausset, qu’un courant d’air rendait aphone, se livrant aux combats de la vie publique, se prodiguant dans les assemblées. Mais alors quelle sorte de lutte voudrait-il faire ? se demandait toujours Lantagnac. Au fait, réfléchit-il, la bataille scolaire ne se livre guère au grand jour, du côté de nos ennemis. Puis, là-dessus, il se rappela le grand crédit dont jouissait Duffin en certains milieux