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deuxième volume 1915-1920

l’honorable sénateur Belcourt, président de l’Association canadienne-française d’Éducation de l’Ontario. Le 24 mai 1924, nous avions décerné à M. Belcourt, pour la première et unique fois, le « Grand Prix d’Action française ». Et l’on avait confié au directeur de L’Action française de prononcer l’allocution de circonstance, c’est-à-dire l’éloge du chef de la minorité franco-ontarienne. Or il se trouvait que le sénateur, avocat des principales causes de l’Association portées devant les tribunaux, était un franc libéral, grand ami, dans le passé, de sir Wilfrid Laurier. Et il se trouvait aussi que ce cher abbé Corbeil, si loyal, si désintéressé et qui, je le sais, m’aimait beaucoup, n’avait pu se dépouiller de son vieil esprit partisan. Bleu de la vieille école, il n’avait pu supporter ce panégyrique du sénateur rouge. De là son geste expurgatoire contre mon innocent bouquin.

J’ai parlé d’un autre incident. Le voici. Il se présente quelques années plus tard. Des amis, qui ont gardé mauvais souvenir des luttes récentes, veulent tout de même payer leur dette de gratitude au vieux lutteur, Samuel Genest, l’ancien président de la Commission scolaire catholique d’Ottawa, maintenant terrassé par la maladie autant que par l’épreuve. On décide de lui offrir, au cours d’un banquet au Château Laurier, son profil coulé dans le bronze. Je suis de passage à Ottawa. Je dois prendre la parole avec plusieurs autres au banquet. Pendant la journée, pas moins de quatre téléphones m’arrivent, de la part d’ecclésiastiques qui me conjurent de ne pas paraître au Château Laurier. La cérémonie, me disait-on, serait un fiasco. Je devais éviter de m’y compromettre. Dans la matinée, les élèves des écoles catholiques de la capitale ont été priés de se réunir en grand nombre dans un soubassement d’église ou d’école. Ils y exprimeront leur gratitude à l’ancien président de la Commission scolaire. La clique a résolu d’empêcher la manifestation. Menace de renvoi est faite aux maîtres et maîtresses d’école qui oseront y participer. Par bonheur on passe outre à la menace. La cérémonie du matin revêt