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deuxième volume 1915-1920

« Petit Père Villeneuve », hier évêque de Gravelbourg, aujourd’hui archevêque de Québec et futur cardinal. Il est accompagné de Mgr Courchesne, évêque de Rimouski et des abbés Cyrille Gagnon et Wilfrid Lebon du diocèse de Québec. L’on devine ce que furent ces deux ou trois jours alors vécus par notre petit aréopage. L’Archevêque de Québec est resté l’homme simple, l’ami cordial que j’ai connu à Ottawa et au lac McGregor. L’ami Courchesne n’a rien perdu de son tour d’esprit pittoresque, si fin, si original. Un soir que tout le monde a gagné sa chambre, le cher évêque m’attrape par la manche : « Attends un peu ; l’on n’est pas pour aller se coucher par un soir pareil. » Je l’entraîne vers un rocher qui donne sur le lac, à l’est de la maison. Il est presque minuit. Une superbe lune monte silencieusement dans le ciel clair. Devant ce paysage inspirateur comme un grand poème, nous avons passé là je ne sais combien d’heures. La nuit était fraîche comme un peu toutes les nuits des Laurentides. Assis sur le roc mal recouvert de brindilles de sapins, les pieds recroquevillés sous nos soutanes, nous n’arrivions pas à les empêcher de geler. La conversation n’allait pas moins son train. L’ami Courchesne était en veine de confidences. Problèmes de son diocèse, de son clergé, de ses paroisses neuves, de son Petit et de son Grand Séminaire, problèmes nationaux, tout y passa. Une fois de plus, je découvris ce magnifique esprit et ce grand cœur. L’Archevêque de Rimouski mourait cardiaque, prématurément. Il était de ces riches natures qui portent en elles beaucoup plus grand qu’elles ne peuvent porter. Leurs aspirations les débordent et les tuent.

Avec mon ancien camarade de Rome et de Fribourg, l’abbé Lebon, chacune de nos rencontres nous fait retrouver facilement la chaleur de notre constante amitié. Je connais moins l’abbé Cyrille Gagnon que je sais pourtant de la « famille » de mes hôtes. Jours restés bénis dans ma mémoire. Je ne sais comment la