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premier volume 1878-1915

rigoureux. Je combats l’à peu près, la foi ou la recherche au hasard. Je combats surtout, de toutes mes forces, le psittacisme qui m’avait paru le mal suprême de mes jeunes années : cette funeste habitude d’enjamber le vocabulaire sans y voir clair, sans s’appliquer à comprendre. Je n’avais pas oublié ces exercices de mémoire qui, en mes quatre premières années de collège, nous faisaient apprendre et réciter par cœur tout La Fontaine, sans qu’on sût jamais l’exacte définition d’une fable et qu’on eût la moindre connaissance biographique du fabuliste.

L’année suivante, celle de 1900-1901, je prends charge d’une classe régulière : la Syntaxe latine. J’ai comme élève un jeune Anglais, fils d’un converti, fort intelligent, Erle G. Bartlett, qui deviendra jésuite, recteur du Collège Loyola, et qui, à Valleyfield, me secondera généreusement en quelques-unes de mes entreprises. L’année suivante, je fais un bond. L’on me hisse au poste d’assistant-professeur en Rhétorique ; j’enseigne le grec, le latin, et dans le second semestre une heure de philosophie par semaine ; histoire d’habituer les élèves à l’enseignement de la philosophie en latin, langue que je manie assez facilement. Ce sera l’une des grandes années de mon enseignement à Valleyfield. J’ai devant moi un magnifique groupe d’élèves, parmi lesquels figurent Jules Fournier, le futur journaliste du Nationaliste, du Devoir, de L’Action ; Maxime Raymond, futur député de Beauharnois à Ottawa, chef et fondateur du Bloc Populaire ; Louis Gosselin qui va devenir l’abbé Louis Gosselin, futur professeur de Belles-Lettres à Valleyfield, puis à Montréal, travailleur, esprit ouvert ;