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Page:Groulx - Mes mémoires tome I, 1970.djvu/86

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mes mémoires

Émile Léger, le futur chef de la Croisade d’adolescents, sur laquelle je reviendrai.

Pour satisfaire ces jeunes gens, assez mécontents de leur professeur de littérature, un abbé Boucher, ancien c.s.v., il me faut fournir un grand effort. Je tente de leur donner de l’explication grecque et latine. Avec des succès modestes sans doute, tant je m’y sens impréparé. Que j’y dépensai néanmoins de travail ! Je suis presque de l’âge de mes élèves. Ce qui ne m’empêche point de m’entendre au mieux avec ces grands garçons. Je me liai d’amitié avec Maxime Raymond, amitié qui dure encore. Je l’estimais pour ce qu’il a toujours gardé : sa correction de gentilhomme. Mes relations furent encore plus intimes avec Émile Léger, âme de choix, et dont j’allais devenir le directeur spirituel. En ma vie j’ai frôlé de bien belles âmes de jeunes gens. Je ne crois pas en avoir rencontré de plus limpide que celle d’Émile Léger. Ce jeune homme avait quelque chose en son cœur, de la pureté du cristal. Une influence providentielle, sans doute, — celle d’une mère d’une vertu exemplaire, — l’avait préservé jusqu’à vingt ans de toute faute grave. Émile Léger, élève de Philosophie, gardait encore l’âme blanche d’un petit communiant.

Jules Fournier

À propos de Fournier, l’on m’a souvent posé ces questions : Qui était-il collégien ? L’avais-je bien connu ? Aurais-je eu quelque influence sur lui ? Il faut se rappeler qu’en 1901-1902, séminariste dépassant de peu la vingtaine, j’étais trop jeune pour avoir sur mes collégiens beaucoup d’influence. Fournier, collégien, était de complexion plutôt délicate, de taille à peine au-dessus de la moyenne, mais mince ; un brun avec des yeux noirs, fins, légèrement rêveurs. Il était assez porté à l’indolence, très inégal en son travail. En classe, il se donnait souvent l’air de s’ennuyer. Presque en tout temps, sa démarche, son maintien, ses habits, dénotaient du laisser-aller. Je dois dire qu’à tout prendre, nous