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premier volume 1878-1915

les vacances de 1903 et mon retour au Collège en qualité de prêtre. J’ai recouvré une partie de ma liberté d’action. Mes jeunes gens se jettent hardiment à la conquête de leur milieu collégial. Conquête qu’ils accomplissent en moins de trois ans. Ils ont réussi à s’emparer des petites institutions de leur milieu, académies et autres, qui font l’atmosphère d’une maison d’enseignement et y confèrent l’influence. Par des méthodes et des moyens qu’on trouvera dans mon petit livre, l’atmosphère du collège en devient entièrement modifiée, épurée, relevée. Les conversations écolières prennent un autre ton. Finis ce que l’on appelle le « mauvais esprit », les dissipations ou mutineries générales. Quiconque fait alors le départ entre hier et aujourd’hui est forcé de noter la métamorphose, l’air de distinction que porte au visage la petite communauté collégiale. Pendant ces trois années, les jours d’épreuves n’ont pas manqué ; nous avons souffert de l’incompréhension de notre milieu et même de l’attitude froide des autorités. Mais quelles années de vie pleine, vivante ! Ceux-là seuls qui les ont vécues savent quelle exaltation, quelle passion de vie ardente soulevaient alors la jeunesse canadienne-française. Il n’y a qu’à relire ces petits tracts ou dépliants qui contiennent Le Credo du jeune homme apôtre, credo qui me fut inspiré par mes chers collégiens, pour savoir à quelle étoile cette jeunesse a attaché son âme. On y trouve des formules comme celles-ci :

Je crois en Dieu ; je crois en Jésus-Christ ; je crois en l’Église infaillible et immortelle… Je crois que tout chrétien est apôtre et que l’apostolat est la plus haute forme de la vie ; je crois à l’efficacité et à la nécessité de l’action des jeunes sur les jeunes, et proclame que le temps est venu, pour le jeune homme de cœur, de choisir entre une vie molle et inutile et la vie active et féconde de l’apostolat.

Je crois à la jeunesse de mon pays. Je crois qu’elle a de grands devoirs et un grand avenir et qu’elle ne deviendra digne des uns comme de l’autre que si elle est religieuse et incorruptible.

Je crois que la jeunesse croyante, plus que la jeunesse incrédule, doit avoir le talent, le courage, la hardiesse et la combativité généreuse…

Un cri ponctuait ce credo : Vive le Christ qui aime les jeunes ! Tiré à plusieurs milliers d’exemplaires, je fais répandre ce dé-