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mes mémoires

Valleyfield, vers ce même temps, une conférence intitulée : « L’Éducation de la volonté en vue du devoir social ». J’y donne cette consigne à la jeunesse : « Soyez des hommes, soyez des saints. » Cette conférence parut, si je ne me trompe, dans la Revue canadienne. Et je ne sais sous quelle pression, je me risque à la laisser mettre en brochure. Elle paraît, préfacée par une lettre du président de l’ACJC, M. Antonio Perrault : ce qui allait être, avec ce jeune homme, esprit remarquable, le début de longues relations d’amitié. Il me plaît aussi de rappeler que cette conférence me valut une intéressante lettre d’un charmant homme, M. Léon Gérin, alors à l’affût de tout ce qui avait teinte sociale. Ma correspondance avec Léon Gérin date de 1905. Il avait lu mes articles dans la Revue ecclésiastique de Valleyfield et n’avait pu se retenir de m’en dire son sentiment. Léon Gérin était disciple de Le Play et de l’abbé de Tourville. Il avait formé une école de sociologie au Canada. Il eût souhaité m’y attirer. J’avoue que, sans mon départ pour Rome en 1906, je m’y fusse volontiers enrôlé.

Je reviens à la génération de 1900. Pleins d’illusion, comme tous les jeunes qui croient que la vie ne saurait trahir la bonne volonté, les jeunes de ce début du siècle ne doutent point de leur réussite. En tout cas, les vieux, les attardés, n’ont qu’à les laisser faire. Ou ils verront bien. La dent mordante des nouveaux venus, leur verbe non dénué d’arrogance proviennent en grande partie, je crois, de la résistance et voire de la mauvaise humeur que leur opposent trop d’aînés. L’on assistait au heurt classique des générations. Et si le heurt se produit parfois violent, la faute en est à trop d’incompréhensions et en trop de milieux, en ceux-là mêmes où l’on eût été si loin de les attendre. Je me souviens de ce jour de 1904 où le Père Samuel Bellavance, s.j., me re-