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XIV

MES VACANCES DE 1907 ET DE 1908 EN EUROPE

Au Collège canadien de ce temps-là, la coutume voulait qu’aussitôt les examens passés, soit vers la fin de juin, la volière s’ouvrît. Nous partions en vacances. Les étudiants profitaient des mois d’été intolérables à Rome pour visiter quelques autres pays d’Europe. Quelques-uns d’entre nous poussaient même une pointe vers la Palestine en septembre. Enviable fortune de camarades au porte-monnaie bien garni. Les gueux de mon espèce se résignaient à de plus modestes projets.

Au départ du Collège canadien, l’important est de choisir ses compagnons. Le voyage, se redit-on, est la suprême épreuve de l’amitié. Que de bons amis se sont séparés en route plus qu’à demi brouillés, faute de s’entendre et sur la direction à prendre et sur les lieux ou choses à visiter. En mes vacances de 1907, je voyage avec les abbés Wilfrid Lebon et Joseph Bourgeois, ce dernier, mon voisin de table au Collège canadien, l’autre, l’un de ceux avec qui j’ai noué une amitié qui ne finira qu’avec la vie. Tous deux, braves compagnons, d’assez de bénignité pour m’endurer. À nous trois nous accomplirons ce miracle de voyager et même de vivre ensemble, sans que se glisse entre nous le plus léger dissentiment. Lebon est le chanteur, le musicien, le boute-en-train du groupe. Arrivé dans les hôtels, Lebon se met en quête du piano et, chansonnier vivant, nous distrait ou nous plonge en