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XV

VACANCES EN BRETAGNE — CREC’H BLEIZ

Quelques jours plus tard, la Providence me réserve un notoire bonheur, et j’échappe à cette atmosphère. Je pars pour la Bretagne. Présenté par mon bon ami, l’abbé Antonio Hébert, à qui cette rare fortune était échue l’année précédente, presque dès le début de mon arrivée à Issy-les-Moulineaux, M. le Comte de Cuverville, ex-amiral de France, requiert un aumônier pour le temps de ses vacances à son manoir de Crec’h Bleiz. On devine avec quelle joie j’accueille l’invitation de M. le Comte. Mes finances s’en trouveront bien. Mais surtout quelle chance sera la mienne d’aller vivre pendant trois mois dans l’intimité d’une famille de vieille noblesse, et dans la compagnie d’un homme que je savais de grande foi.

J’arrivai à Crec’h Bleiz le 1er juillet 1908. Huit jours après mon arrivée, le coupé nous amena le sénateur en vacances — M. de Cuverville était sénateur du Finistère ―. Le lendemain j’apprends le rythme de la vie à Crec’h Bleiz. Rien de mêlant. Quelque chose d’ordonné, de réglé comme le mécanisme d’une montre, comme la course du soleil. L’amiral se lève à cinq heures et gagne sa chapelle : petit oratoire juché au sommet d’un ancien moulin de pierre quelque peu élargi par le haut et où l’on accède par un escalier tournant. De grands pins ombragent le moulin. L’amiral y prolonge sa prière et méditation du matin jusqu’à six heures. À six heures précises, le clocheton de la chapelle appelle les habitants