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Page:Groulx - Mes mémoires tome I, 1970.djvu/219

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premier volume 1878-1915

propos décousus, les réparties à l’aventure, les scènes tantôt pathétiques, tantôt tristement risibles dont s’est composée mon entrevue. Mgr Émard, qui avait ses moments de névrosé, ne dédaignait pas tout à fait le théâtre. Comme il me reproche avec insistance de lui imposer cette entrevue, je lui fais poliment observer :

— Mais c’est vous-même, Monseigneur, qui avez sollicité de m’entendre, et dans une lettre que j’ai là, dans ma poche.

— Mais que voulez-vous ?

— Vous exposer la situation au Collège que les autorités elles-mêmes jugent intolérable.

— Mon cher enfant, ne me forcez pas à vous dire des choses désagréables.

— Mais, Monseigneur, je suis venu expressément pour ça. Je veux savoir ce que l’on nous reproche, à moi particulièrement.

— Personne de vos supérieurs ne m’a jamais rien dit contre vous : ni M. Sabourin, ni M. Aubin, ni M. Laframboise.

Il venait de placer son principal favori, son confident, simple préfet de discipline, mais chef du clan adverse, parmi mes supérieurs. Je n’en puis savoir davantage. Et que dire de ce long dialogue d’une heure — l’évêque ne paraît plus guère pressé — coupé de haut guignol où Monseigneur, tantôt m’attire à lui, me presse sur sa poitrine, et tantôt me repousse comme un indigne, un ingrat ? L’entrevue se termine par cet échange de propos :

— Retournez au Collège et continuez d’y faire votre devoir.

— Très bien, Monseigneur, j’y vais retourner. Mais si, dans un an, la situation n’a pas changé, vous me reverrez ici et pour vous redemander de partir.

Derniers propos échangés dans le calme qui suit tout orage.