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mes mémoires

mois. La lettre est adressée à Mgr G. Dauth, vice-recteur de l’Université Laval, Montréal. Et que contient cette lettre ? De chaleureux compliments du ministre fédéral aux autorités universitaires pour leur inauguration d’un cours public d’histoire canadienne. Je ne connais pas M. Casgrain ; je ne l’ai jamais rencontré. L’homme politique ne possédait guère, au surplus, la réputation d’un superpatriote canadien-français. Qui, quel motif l’ont amené à écrire cette lettre ? Je n’en sais rien. Encore cette fois, l’abbé Émile Chartier prétend avoir été l’entremetteur ou l’inspirateur. En sa lettre M. Casgrain a su glisser quelques phrases bien faites pour encourager les autorités universitaires en leur récente entreprise. « Si j’étais encore à Montréal, écrit-il, je me ferais un devoir de suivre ces conférences… » Outre qu’elles apprendront « au public à mieux apprécier le travail des nôtres qui se distinguent par leurs études historiques », elles approfondiront « aussi les connaissances indispensables à tous ceux qui aspirent à jouer un rôle dans la vie publique de notre pays ».

Le 5 décembre, le vice-recteur répond assez longuement au ministre. La réponse, m’écrit Mgr Émile Chartier, dans une lettre du 22 décembre 1915, serait encore de sa main à lui. Le porte-plume y souligne la valeur significative de l’intervention du ministre. « Émanant d’un personnage aussi distingué par ses fonctions, par sa valeur professionnelle et par son caractère, elle honore aussi triplement l’institution qui l’a reçue. » Il note la curiosité intellectuelle, l’appétit de connaissances historiques éveillés par les premiers cours. Il exprime le désir depuis longtemps nourri par la Faculté des arts de « tourner de plus en plus l’esprit de ses élèves vers l’étude des choses canadiennes : histoire, institutions, géographie, littérature, langues, économie, politique » ; enfin, conclut le vice-recteur, la pénurie de finances a seule gêné, empêché jusqu’ici le développement de la Faculté. « Ce n’est pas que lui fissent défaut les maîtres compétents ou les sources d’information… La pénurie financière dont elle souffre l’a jusqu’à présent privée du plaisir d’exécuter ce dessein. » Ce dernier paragraphe suit un éloge du professeur d’histoire du Canada où, soit dit en passant, l’on perçoit, dans une lumière cruelle, l’idée bien inexacte que l’on se fait alors d’un véritable technicien du terrible métier. Et voilà pour ne plus s’étonner que l’on m’ait pourvu si petite-