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deuxième volume 1915-1920

du pays, des arbres canadiens, des visages de chez nous. J’emporte avec moi un affreux souvenir de l’hiver et du printemps parisiens… Mon espérance est de trouver enfin un peu de soleil et un peu de chaleur au Canada. Car je compte que le printemps ne vaut guère mieux en Angleterre…

Je me trompais. Je débarquai en la brumeuse Angleterre par un splendide soleil qui aurait pu être celui de Trafalgar ou de Waterloo. Le soleil, par-delà la Manche, paraissait narguer la France. Et cela dura la huitaine que j’y passai. Je devais emporter de l’Angleterre la même impression qu’en 1909, impression d’un pays courtois, accueillant. À Paris, il fallait négocier son passage d’un dépôt d’archives à un autre, comme une question d’État ou de diplomatie internationale, et se résigner à une attente de deux à trois semaines. Les choses se passeraient plus rondement de l’autre côté de la Manche. J’avais annoncé à notre préposé aux Archives, à Londres, M. Biggar, mon arrivée prochaine et l’objet des recherches que je souhaitais mener au British Museum. Le jour même de mon arrivée, j’allais rendre visite à M. Biggar. Nous convenions d’un rendez-vous au British Museum pour le lendemain matin. Le lendemain matin, au Musée, on me faisait signer une carte où j’indiquais le sujet de mes recherches, le nombre de jours que j’entendais y consacrer. Cinq minutes plus tard, j’étais installé à mon travail. Voilà comme on procède dans les pays où la démocratie ne se réduit pas à des accumulations de paperasses. J’employai le plus diligemment possible cette huitaine au British Museum. Je voulais terminer quelques recherches sur « l’Acte de Québec », sujet que j’avais traité dans mes derniers cours à l’Université de Montréal. Et, par exemple, la Révolution américaine avait-elle été, en Angleterre, vers 1774, le phénomène si soudain, si inattendu, qu’inclinait à nous le faire croire toute une école d’historiens ? Et se pouvait-il qu’elle n’eût aucunement influé sur les débats des Chambres anglaises et sur les décisions du gouvernement britannique, dans la rédaction de la célèbre « charte » à la colonie récemment conquise ? Des extraits de journaux anglais de l’époque, dont j’ai publié quelques-uns dans