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premier volume 1878-1915

nel diplôme de docteur en philosophie et en théologie. Plus tard, il me le confiera en toute franchise et modestie : « En moi, l’homme littéraire n’a jamais été que factice. » Incompétence relative qui ne l’empêche point de communiquer à ses élèves une ardente passion du travail. Son enseignement s’anime même d’un enthousiasme communicatif. Son prestige lui vient pourtant d’ailleurs. Le rôle de l’abbé Corbeil — devenu plus tard Mgr Corbeil — aura été celui de directeur spirituel. Rôle considérable à Sainte-Thérèse parmi plusieurs générations de collégiens, et plus tard au Grand Séminaire d’Ottawa. Au Collège, les plus exigeants d’entre nous disent volontiers du jeune professeur : « C’est un prêtre ! » Il a de la doctrine, de la piété, et surtout du dévouement. Il appartient à la race de ces anciens éducateurs qui faisaient don de leur vie entière à la jeunesse, et qui, en ce ministère, prenaient leur sacerdoce très au sérieux. À Sainte-Thérèse, seul à peu près de son temps, l’abbé Corbeil suit de près ses dirigés et, en dépit de ses habitudes de travailleur acharné, les reçoit régulièrement à sa chambre. Par une heureuse coïncidence, je deviens le dirigé de ce prêtre zélé, l’année même où un directeur des élèves, d’esprit ouvert, véritable précurseur à l’époque, l’abbé Edmond Coursol, introduit, au Séminaire, la pratique de la communion fréquente. Nous sommes, détail à ne pas oublier, en 1894. C’est le temps où, du moins en notre collège, une communion d’étudiant les jours de semaine — phénomène qui, à ma connaissance, s’est produit une fois ou deux — provoque, à la chapelle, une véritable sensation. Substituée à la pratique de la férule, d’un usage trop généralisé dans les mœurs rudes d’autrefois, la communion fréquente révolutionne la communauté. Sous l’inspiration de mon directeur, je me reprends à rêver de vocation sacerdotale.

Néanmoins c’est aussi l’époque où, en mon esprit d’adolescent impressionnable, une autre influence se met à contrecarrer celle de l’abbé Corbeil. Depuis quelque temps, je me passionne pour les chefs de l’école catholique de France : celle de 1830. Mon professeur de Versification — ai-je rappelé — m’a fait lire quelques volumes de la correspondance de Louis Veuillot.