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mes mémoires

Ainsi va la « petite guerre ». Autant qu’elle le peut, L’Action française s’applique à couvrir tout le champ de bataille. Elle se tient sur toutes les brèches où tente de s’infiltrer l’anglicisateur, sur toutes celles que laissent s’ouvrir nos anglomanes ou nos « collaborateurs ». Ce qui doit frapper, en effet, dans cet effort de résistance, c’en est l’ubiquité. S’agit-il, à Montréal, d’un nouveau central téléphonique à baptiser, L’Action française est là pour exiger un nom français. Elle exigera de même du français sur le cadran de l’appareil téléphonique. Elle surveille la toponymie de la province. À la suite de la Commission de Géographie du Québec, elle veut qu’on dise et qu’on écrive « rivière Outaouais » et non pas « rivière Ottawa ». Les fonctionnaires fédéraux, il ne lui suffit pas de les surveiller et de les dénoncer uniquement au Canada. Elle les suit jusqu’en leurs agissements en Europe ; elle signale à nos députés l’injuste traitement infligé à la langue française, en 1924, à l’exposition impériale de Wembley où figure notre pays. Encore au gouvernement fédéral, elle reproche l’absence de coupons en langue française pour ceux qui veulent échanger leurs titres de l’emprunt de 1917 ; elle proteste contre une émission de timbres commémoratifs du soixantenaire de la Confédération où, parmi les figures des Pères évoqués, l’on n’a pas daigné faire place à celle de George-Étienne Cartier. Elle harasse les compagnies de chemin de fer réfractaires à l’usage du français sur leur papeterie, dans les gares, sur les trains. Elle prend également à partie la Compagnie des tramways de Montréal. Le Service provincial d’hygiène s’étant permis d’adresser aux curés de la province des lettres avec enveloppes qui portent bien en évidence un On His Majesty’s Service, L’Action française rappelle à ce service québecois qu’il existe une traduction française de cette expression anglaise. En revanche elle félicite M. C.-J. Magnan qui a « défendu avec tant de perspicacité notre système scolaire contre les tendances dangereuses du National Council of Education ». Elle déplore, et avec combien de raison, que dans le commerce et l’industrie, la langue anglaise règne en maîtresse : « Nos ouvriers reçoivent leurs ordres dans une langue étrangère. Ils ignorent bien souvent les noms français des articles qu’ils fabriquent ou des instruments qu’ils emploient. » Forme de colonialisme économique que, pour ma part, j’ai maintes fois dénoncée au suprême scandale de nos bonne-ententistes. Sur