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Page:Groulx - Mes mémoires tome II, 1971.djvu/151

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troisième volume 1920-1928

M. l’abbé,

Je vous remets ci-joint l’article que vous avez bien voulu me charger d’écrire pour L’Action française.

Je vous prie de me pardonner le long retard que j’ai apporté dans la préparation de ce travail. Puis-je vous demander, M. l’abbé, d’être indulgent et d’introduire, dans ces quelques pages, les corrections de forme que vous jugerez nécessaires.

Vous remerciant de l’honneur que vous me faites en m’invitant à collaborer à votre belle revue, je vous prie M. l’abbé, d’agréer l’expression de mes sentiments respectueux.

196 BerriEs. Minville

Il m’avait apporté un article où s’affirmaient déjà les qualités maîtresses de son esprit : de la densité et de la lucidité. L’impérialisme économique des voisins y est nettement défini en ses traits caractéristiques :

… Car les Américains, avec la ténacité et le sans-gêne qui leur sont propres, poursuivent à l’heure actuelle, par le prêt et le contrôle financier, par le trust, la direction politique et l’intervention directe dans les affaires intérieures, comme à Cuba, à Haïti, à Panama, une campagne de conquête et d’accaparement économique d’autant plus effective et dangereuse que pacifique…

Le but des Yankees est de faire contrepoids le plus vite possible à l’influence du capital anglais dans le développement économique de notre pays.

Pour finir, le jeune publiciste donnait cet avertissement destiné, hélas, à tomber dans le vide, comme en tous pays de sourds :

Il serait temps d’éclairer sur ce point l’opinion populaire, d’user d’un peu plus de prévoyance dans le trafic de nos richesses naturelles, d’amender notre politique de concessions sans recours, de canaliser le flot montant de l’or étranger, en particulier de l’or américain, si nous ne voulons pas être réduits bientôt au rôle de serviteurs dans notre propre maison (L’Action française, X : 97-105).

Dire qu’il faudra vingt-cinq ans pour qu’on s’éveille sur cette intrusion troublante du voisin et point d’abord à Québec, mais à Ottawa ! En 1923, Minville a tout juste vingt-sept ans. Dès lors