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quatrième volume 1920-1928

blancs, il apprenne à se taire ou à changer de discours. Le bien qu’il nous a fait ne lui donne pas le droit de nous faire du mal indéfiniment. Et il n’est plus en son pouvoir d’arrêter l’élan d’une jeunesse qui, en dépit de tous les sonneurs de glas, a décidé de crier sa foi en la vie et de vivre.

Devant le Jeune Barreau de Québec le 9 février dernier, l’abbé Groulx disait : « Il ne faut donc pas craindre de nous en expliquer : nul nationalisme au monde n’est plus légitime, plus orthodoxe que le nationalisme canadien-français. Rien dans l’absolu de notre foi, rien dans le catholicisme le plus exigeant ne nous prescrit de renoncer à l’Acte de Québec, à la constitution de 1791, aux grandes réparations de 1842 et de 1849, à notre émancipation plus complète de 1867. » Cette conférence de l’abbé Groulx a été mise en brochure. La brochure affiche, à sa première page, l’imprimatur de l’archevêché de Québec. Cette orthodoxie vaut bien celle du nouveau « Père de l’Église ».

(L’Action nationale)

Départ du Devoir

Inflexible, emmuré dans son antinationalisme, Bourassa ne se laissera impressionner ni par le vide qui se fera autour de lui, ni par l’effroyable brisure qui s’accomplira dans sa vie. Ce n’est plus qu’exceptionnellement qu’il parle en public. Aux élections fédérales de 1937, il est défait dans son comté de Labelle qui, si longtemps, lui était resté fidèle. Cinq ans auparavant, il a dû quitter l’œuvre qui, à coup sûr, lui tenait le plus à cœur, son œuvre de choix : Le Devoir. Une « peau de chagrin » se rétrécit, lui sèche entre les mains. Et le pauvre homme, qui en souffre, accuse les autres, ses amis d’hier plus que soi-même. Politiciens et journalistes, et voire les derniers fidèles du maître, ont beaucoup épilogué autour de sa démission au Devoir. Ils y ont vu une sourde machination de palais, d’ambitieux qui, pour s’emparer du siège directorial, auraient jeté par-dessus bord, le fondateur du journal. Je crois être en état de fournir une relation authentique de l’événement, la tenant de première source et de trois témoins bien renseignés : Georges Pelletier, Omer Héroux, J.-Alfred Ber-