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Page:Groulx - Mes mémoires tome II, 1971.djvu/292

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mes mémoires
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À la jeunesse encore, je rappelle aussi fortement que possible l’œuvre d’éducation populaire qui lui incombe : persuader le peuple que la pratique de la solidarité sur le terrain économique, tout aussi bien que la moralité attachée au travail et à l’argent, ne sont pas « question où chacun soit libre de se comporter à sa guise, au gré de ses fantaisies et de ses intérêts égoïstes », mais qu’il y a là un rigoureux « devoir de justice sociale, s’il est vrai que chaque citoyen doit concourir au bien commun de la société et que la société a le droit de recevoir pour ce qu’elle a donné ».

Enfin, avait-on dit, le mal était surtout d’ordre idéologique. J’en appelle donc, en mes dernières conclusions, à des remèdes du même ordre :

Les grands mouvements des collectivités sont généralement provoqués et soutenus par des causes de l’ordre idéal, par une pensée supérieure qui rallie les fins secondaires.

Dans leur Géographie de l’Histoire, Jean Brunhes et Camille Vallaux donnent un nom à ces « impulsions immatérielles ». Ils y discernent divers éléments : « cohésion d’une nationalité qui naît ou qui se défend, orgueil d’un peuple qui fait son histoire ou qui veut faire son histoire, puissance traditionnelle d’un sentiment impérieux du devoir, zèle apostolique pour le triomphe d’une foi ».

Combien de ces poussées idéales, si ce n’est toutes, appuyais-je, auraient besoin de soulever, à l’heure actuelle, nos volontés ?

Puisque, en effet, nous avions surtout péché par « indifférentisme national », déformation de notre patriotisme français, conséquence du fédéralisme tel que pratiqué depuis 1867 ; puisque nos gouvernements en étaient venus, « par incapacité » ou « imprévoyance criminelle », à traiter le Québec ainsi que l’un ou l’autre des territoires de l’Ouest offerts aux « vagues de l’immigration cosmopolite », le remède premier et le plus urgent, n’était-ce point de « nous entendre, une bonne fois pour toutes, sur le caractère politique et national du Québec » ? Je précise, et ceci était écrit en 1921 :

Mis à l’enchère publique, tout comme les plaines de l’Ouest canadien, notre territoire fut vendu aux plus hauts prenants, sans le moindre souci des droits des nationaux. Le domaine