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quatrième volume 1920-1928

géographique ; un groupe assez riche d’organes essentiels et de richesses matérielles pour s’organiser une vie propre ; un groupe homogène qui, par le sang, la foi, les mœurs, se trouve en opposition absolue avec les races qui l’entourent ; un groupe qui a pour lui toutes les forces du catholicisme, qui a plus d’attachement au sol et plus de traditions que tous ses rivaux,… n’est-il pas dans l’ordre des choses nécessaires que ce groupe ethnique surnage à la débâcle générale, intègre, indéfectible, et plus que tous les autres, n’a-t-il pas le droit d’entretenir, dans son âme, des rêves de liberté et d’indépendance ? »

Déjà, je croyais discerner, dans un futur plus ou moins lointain, une dislocation générale en Amérique du Nord. Aux considérations plus haut citées, j’ajoutais encore : « Voulez-vous soutenir qu’un tel rêve doit être enfoui dans le secret et qu’il vaut mieux donner son effort aux devoirs du moment ? Le directeur de l’Action catholique vous fait alors cette grave réponse, qu’en pareille matière, pour un peuple, différer c’est abdiquer. » Et il ajoutait : « L’aspiration à l’indépendance est un instinct de race. Le système fédératif que nous nous sommes donné, qu’est-il autre chose lui-même, qu’une reconnaissance de cette aspiration ? Il la suppose et la respecte puisqu’il la protège. » Et encore : « Si l’idéal a son rôle nécessaire dans la vie d’une race pour entraîner et coordonner les efforts, il sera toujours plus grand, plus noble, plus excitateur d’énergie pour cette race, de rêver à l’autonomie, à l’indépendance, qu’au sort de partie composante, fût-ce même dans un empire anglo-saxon. » (Une Croisade d’adolescents, 1ère édition, 161-162.) Ainsi, je ne puis me renier. Dès les années 1900, l’indépendance du Québec me paraît inscrite dans sa géographie et dans son histoire.

À tout prendre néanmoins, l’enquête sur « Notre avenir politique » a-t-elle fait si grand et si universel scandale dans l’opinion ? Ce serait erreur de se l’imaginer. La qualité de nos collaborateurs imposait d’abord à la critique retenue et respect. Nombreux au surplus et parfois impressionnants parvinrent à la revue les éloges pour son audace de pensée. Le premier article paru dans L’Action française ne portait que cette signature : La Di-