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mes mémoires

est à peine paru, annoncé, recommandé par vos revues, que quinze jours plus tard, il est en vente dans nos librairies. Et s’il vous arrivait, par exemple, de parcourir l’étalage de nos grandes librairies de Québec ou de Montréal, sans doute seriez-vous étonnés d’y découvrir, non seulement de larges rayons de votre littérature religieuse, mais, en cette section, point d’autre littérature que la vôtre. Une rapide inspection des bibliothèques de nos évêchés, de nos collèges, de nos couvents, de nos presbytères, vous obligerait à la même constatation.

Autre mérite que nous vous concédons volontiers : celui de posséder une élite catholique vraiment éminente. Beaucoup de vos jeunes laïcs, écrivains ou autres, font l’admiration de notre jeunesse. On trouverait difficilement ailleurs qu’en France, pensons-nous, une foi aussi vive, aussi crâne, aussi apostolique.

Enfin nous connaissons la France missionnaire. Nous savons que, dans le champ des missions, elle est toujours à l’avant-garde, se tient toujours au premier rang et que les missions les plus difficiles, les plus pénibles, restent encore le lot favori des missionnaires français.

Mes jeunes amis m’écoutaient avec un visible contentement. Allais-je risquer quelques réserves ? Ils me paraissaient disposés à m’entendre. Je continuai :

— Maintenant, si j’osais, en ce tableau, jeter quelques ombres, peut-être, en toute franchise, vous l’avouerais-je, nous comprenons mal l’état d’esprit ou l’attitude de votre clergé métropolitain. Qu’il nous paraît distant de son peuple ! Je le regarde aller dans la rue. Quelle mine de vaincu, de rebuté me semble être la sienne ! Il va, les yeux rivés au trottoir, ne salue personne ; on dirait, en son pays, un parfait étranger. Chez nous, vous le savez, les choses se passent autrement. Le prêtre se sent encore chez soi. Sur la rue, on le salue fréquemment et il remet la politesse. Presque partout aussi le prêtre se sent du peuple, se mêle au peuple. Une dernière réserve : comme vos prêtres, surtout dans vos campagnes, en raison même, sans doute, de cette timidité ou de ce renfrognement, nous paraissent posséder peu l’esprit conquérant. Autant vos missionnaires qui besognent au loin ont de l’allant, un esprit de conquête et de foi à remuer les montagnes,