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cinquième volume 1926-1931

même en 1939, à l’heure de la seconde Grande Guerre, pour s’excuser de souscrire, en argent et en hommes, à la participation du Canada au conflit européen, nos bonnes gens n’auront que ce slogan à la bouche : « Après tout, nous appartenons à l’Angleterre ! » Eh oui, toujours colonie anglaise, toujours réservoir de mercenaires au service de la Grande-Bretagne, huit ans après le Statut de Westminster ! Mais alors, pouvions-nous demander aux étrangers de posséder une connaissance de notre histoire, un sens de notre dignité et de nos droits que nous-mêmes nous nous acharnions à repousser ? En toute justice, pour la cour romaine, il faut ajouter qu’une fois mieux renseignée, elle ne tardera pas à se ressaisir. Mais je ne veux pas trop anticiper. Je raconterai plus tard l’une de mes entrevues avec le délégué apostolique au Canada, Mgr Ildebrando Antoniutti.

Est-ce ce soir-là ou le lendemain que le Père Leduc me conduisait à ma deuxième entrevue ? J’étais invité avec lui à dîner chez le chargé d’affaires de Londres auprès du Vatican, un M. Forbes. Malheureusement, et comme trop de fois, je n’ai gardé aucune note de cette entrevue. Je me souviens tout au plus d’avoir rencontré, ce soir-là, un Anglais d’une extrême affabilité, très ouvert à nos problèmes. Le Père Leduc le cultivait ; il l’avait bien renseigné. Cet Anglais n’aimait pas plus qu’il ne faut les Irlandais : ce qui l’aidait à mieux saisir notre situation. Il avait peu goûté, par exemple, un acte récent du chargé d’affaires de l’Irlande du sud, qui s’était permis de lui passer par-dessus la tête, en présentant lui-même au Pape, je ne sais plus quel ministre australien. Chez M. Forbes, nous avons beaucoup parlé du fascisme alors régnant en Italie et de la crise qu’il subissait alors, à la suite de l’assassinat d’un antifasciste, un ancien député, un M. Matteoti. Les ennemis du fascisme en Italie et à l’étranger n’avaient pas manqué d’exploiter ce crime. À ce propos, un Anglais à mes côtés me dit : « Les Italiens sont infiniment injustes à l’égard du fascisme. Mussolini a fait d’eux une race nouvelle d’italiens. » Le