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et demi. Une question me harcèle : ce voyage valait-il la peine d’être fait ? Je me le demande sans trouver réponse décisive. En certains esprits, sans doute, j’aurai éveillé quelque intérêt pour le Canada français si inconnu, si oublié. Ces brèves leçons, ces courts passages peuvent-ils se promettre autre chose ? Lueur d’un cierge qu’on allume et que le premier souffle éteint. La France a les yeux tournés de tant de côtés, et d’abord, en 1931, vers son empire d’Afrique et d’Asie. Dans l’esprit de quelques-uns de nos étudiants, — j’en avais rencontré plusieurs ; quelques-uns m’avaient manifesté de l’intérêt, de l’amitié ―, dans l’esprit de ceux-là j’avais peut-être éveillé, ranimé quelques idées et sentiments : un peu plus d’intérêt à l’égard de leur petit pays, un peu plus de fierté. Et l’ajouterai-je ? un peu moins d’éloignement pour le prêtre. Quelques-uns même qui ont perdu la foi ne laissent pas de m’inviter fréquemment à déjeuner ou à dîner avec eux. Ils me savent gré surtout de leur avoir révélé, en mes cours à la Sorbonne, quelques aspects de leur petit pays qu’ils ignoraient totalement. Ils se sentent heureux, l’ajouterai-je, que, sur ces aspects de notre histoire, j’aie pu capter l’attention des Français.

La traversée sur le Lafayette sera aussi agréable que la précédente sur le De Grasse. Grand oiseau blanc, lui aussi, qui ne semble qu’effleurer la mer. Je me repose. Je rédige quelques notes sur mon passage à Rome. J’ai là ces notes sous les yeux. Elles contiennent un résumé, un trop bref résumé de mes entrevues avec les diplomates ; j’y découvre aussi quelques moyens d’action pratique que le Père Leduc et M. de Fontenay m’ont chaudement recommandés : par-dessus tout démontrer au Vatican notre existence ; donc envoi de livres, de journaux, de revues, parmi les plus représentatifs, à la Bibliothèque vaticane ; envoi aussi des publications du gouvernement du Québec, telles que les Rapports de l’Archiviste ; envoi des publications bilingues du gouvernement d’Ottawa, y joindre des timbres-poste bilingues ; prier nos sociétés nationales de se charger de cette besogne, ou peut-être encore et ce qui vaudrait mieux, fonder un comité d’hommes d’action qui mèneraient hardiment cette propagande ; pendant ce même temps, documenter les ambassades de France et d’Angleterre auprès du Vatican. On m’avait même proposé d’obtenir du gouvernement fédéral, un représentant laïc ou ecclésiastique auprès du gouverne-