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cinquième volume 1926-1931

livre où M. l’abbé Lionel Groulx vient de réunir ses éloquentes leçons sur Le Français au Canada. Tragique et glorieuse histoire que celle de cette langue qui soudainement, après 1760, se trouve dans ce lointain outre-mer, isolée, dépaysée, submergée, et qui pourtant survit, parce qu’elle est auprès de Dieu l’interprète coutumière des âmes, parce que ses résonances mêmes répercutent la voix des aïeux, perpétuent dans la vie sociale l’empreinte de la patrie perdue, mais non oubliée, et parce qu’enfin les droits qu’elle revendique et qu’elle finit par obtenir sont, pour ceux qui la parlent, le plus précieux symbole de liberté.

Paris-Canada, journal des nations américaines, publie, le 22 novembre 1931, un large fragment de la conclusion de l’ouvrage à paraître, qui est pour lui un « ouvrage capital ». Et cette citation rejoint le sentiment de Georges Goyau en son « Épilogue ». Pour la première fois peut-être, aux Français des années 1930, l’on avait révélé cette lutte poignante, pour la conservation de la culture héréditaire, dans une colonie de la France, colonie abandonnée depuis près de deux siècles, passablement oubliée et qu’on voyait ressurgir avec la figure de l’indomptable. À propos de l’ouvrage, M. J. Wilbois m’écrivait, du reste, de Paris : « Vous parlez de l’attachement des Canadiens à la culture française avec une justesse de ton et avec une chaleur de sentiments qui sont pour nous profondément émouvants. » Dans ma conclusion, je ne cachais rien, certes, de nos périls, périls du grand tout canadien, péril américain. Mais j’avais ajouté quelque chose comme ceci : « Dans notre passé nous avons bien gagné quelques gageures ; nous gagnerons cette autre. » Pour M. A. Albert-Petit, qui y va d’un assez long article dans le Journal des débats (23 février 1932), l’ouvrage est un « passionnant volume ». Dans un article au Devoir, 19 mars 1932, mon ami Antonio Perrault rapporte un bout de lettre d’une jeune fille qui a passé l’hiver à Paris, une jeune Canadienne française qui lui écrit : « Je t’écris de retour d’une conférence donnée par S. Il m’a déçue… J’ai commencé à lire Le Français au Canada… c’est joliment plus intéressant. » Mais je me dois de l’écrire, l’hommage qui me fit le plus grand plaisir, ce n’est pas celui de l’ami Émile Baumann, dans le Figaro du 19 mars 1932, ni celui d’Ange Galdemar, dans le même journal (4 mai 1932), ni celui très bienveillant de Robert