« papier », le fameux papier qu’il a refusé de signer en 1904. Nouvelle tempête d’injures dans la presse partisane ; popularité accrue du député récalcitrant. Je résume les événements qui se précipitent : abandon de la scène fédérale par LaVergne et Bourassa. Entrée presque triomphale des deux choreutes nationalistes au parlement de Québec : LaVergne, élu dans Montmagny par une majorité accrue ; Bourassa, élu à la fois dans Saint-Hyacinthe et dans Saint-Jacques où il défait le premier ministre Lomer Gouin ; session exceptionnellement brillante à Québec ; la politique provinciale enfin remise au premier plan ; les galeries du parlement remplies à craquer les soirs où les deux nationalistes doivent parler ; triomphe particulier de LaVergne, triomphe de sa loi sur l’usage du français rejetée à Ottawa, rejetée même une première fois à l’Assemblée législative de Québec, puis entrant dans les statuts, l’année suivante, à la suite d’un irrésistible mouvement d’opinion. Le mouvement nationaliste atteint son apogée. Avec l’année 1910 il possède son quotidien : Le Devoir. Autour du fondateur, Henri Bourassa, se groupe une équipe comme il ne s’en est encore vu au Canada.
J’ouvre ici une parenthèse. La présente génération s’étonne parfois de notre emballement en ces années-là. Au vrai l’on ne comprend point le prestige dont la jeunesse d’alors entoura les chefs nationalistes si l’on ne voit en eux ce qui plaît toujours aux jeunes générations : des réactionnaires au meilleur sens du mot. Réaction contre une atmosphère que nous sentions déprimante ; réaction contre le servilisme partisan à Ottawa, contre une collaboration poussée à outrance, contre le retour du colonialisme politique et militaire. À Québec, réaction contre l’engourdissement de la conscience populaire, contre une politique trop peu française dans un État constitutionnellement français. L’image de Mercier, il importe aussi que l’on s’en souvienne, n’était pas si lointaine, Mercier, l’homme d’un redressement si brutalement enrayé par les politiciens. Bourassa et son groupe reprenaient l’œuvre de Mercier, mais avec plus de vigueur et un esprit plus constructif, plus élargi. Très intelligents et très sensibles aux aspirations de leur temps, ces hommes apercevaient d’un œil plus