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Page:Groulx - Mes mémoires tome III, 1972.djvu/203

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mes mémoires

à Meighen, qu’au parlement de Québec, LaVergne avait riposté : « point de participation du Canada aux guerres étrangères, pas un homme, pas un sou, pas un canon » ? Comment s’était fait ce rapprochement entre les deux hommes ? Pour les mêmes raisons, sans doute, de la part de LaVergne, raisons plutôt négatives et discutables, qui l’avaient alors rallié au parti conservateur : dégoût des libéraux, désunion et querelles des nationalistes, évolution récente et plus ou moins apparente du farouche impérialiste Meighen vers un canadianisme quelque peu plus ferme. Homme de convictions franches, absolues, qui, par ce côté-là, ne pouvait déplaire à LaVergne.

Se retremper ! Comme mon ami sent alors ce besoin ! « Ne venez-vous jamais à Québec ? m’écrit-il un jour. J’aurais besoin de me retremper à la source et je serais heureux si vous me faisiez signe. » Blessé à mort, conscient d’une carrière à sa fin, il oscille facilement entre la désillusion, la crainte de s’être trompé et, malgré tout, l’invincible conviction d’avoir marché droit. À l’une de mes lettres où je lui avais écrit je ne sais quoi, il me répond en octobre 1933 :

Merci pour votre lettre ; quel réconfort ; et elle me montre que je n’ai pas fait fausse route, ce que je craignais un peu. Car il vient des moments où je ne sais plus…

Un brin d’encouragement lui va droit au cœur : une simple dédicace de l’un de mes livres me vaut ce billet exultant de joie :

Je reçois votre dernier-né pour lequel je ne sais comment vous remercier, surtout de la trop élogieuse dédicace.

Je la considère comme une citation à l’ordre de l’armée & ma plus belle récompense.

S’agit-il du 2e tome de mon Enseignement français au Canada pour lequel il écrivit un article où, contre les trahisons des politiciens, il déversa ses haut-le-cœur ? L’apparition des Jeune-Canada lui apporte une de ses dernières consolations. Leur mouvement lui rappelle si bien sa merveilleuse jeunesse. Deux fois, à tout le moins, il tient à s’afficher à leurs côtés :

Les J. C. sont venus à Québec : gros succès & gros effet. Nous n’aurons pas vécu en vain.