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mes mémoires

Quelques jours plus tard :

Merci de vos bonnes paroles, elles m’ont réconforté l’âme. Je n’attends plus qu’un miracle, et Dieu combien peu je mérite pareille grâce.

Je tâche d’accepter sans murmurer l’épreuve & je bénis sa main divine. Mais priez pour moi.

Je ne puis m’empêcher de revenir quelques semaines en arrière et de citer assez largement, de mon ami, une lettre d’octobre 1933. Des sentiments mêlés s’agitent en lui : sentiment de foi, de mélancolie, d’espoir malgré tout, sentiments de sa faiblesse, de son impuissance. Il sait qu’en la grande misère de 1933, le peuple attend un chef, un sauveur. Que ne peut-il l’être ?

Sincèrement si ma santé s’améliore un tant soit peu, je donnerai tout ce qui me reste. Le bon Dieu — et Il sait bien ce qu’Il fait — ne m’a pas jugé digne.

J’expie mes fautes de jeunesse, et hélas ! elles sont lourdes. J’espère cependant que ce n’est pas à cause d’elles seules qu’il ne m’est pas permis de jouer ce rôle de premier plan. Car je porterai une terrible responsabilité.

Mais Notre-Seigneur est si bon et je [me] jette à corps perdu dans sa miséricorde infinie. Souvenez-vous de moi à l’autel, Monsieur l’abbé, quand vous tenez son corps divin & que, dans le sublime tête à tête du prêtre, vous causez avec le Maître de toutes choses. Il est venu pour les malades, pour les pécheurs, & non pour les justes.

Je Lui offre humblement mes horribles tortures, et qui sait, mes souffrances acceptées valent bien tous les efforts ou les résultats que pourraient produire les talents que la Providence m’a donnés.

Mais notre race, notre histoire ont pour base trop de mérites, trop de sacrifices, trop de martyrs. Dieu ne voudra pas abandonner leur œuvre et se détourner de nous.

Dans mes heures de trop lourde désespérance je dis à Dieu dans ma prière de regarder ce qu’encore notre pays donne dans les missions. N’est-ce pas merveilleux de voir les fils de la Nouvelle-France aller évangéliser le monde et même les colonies de la vieille France. Dieu ne laissera pas tarir cette source