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dépendance. En 1932, il y avait déjà dix-sept ans que je publiais des livres. De ces livres, le secrétariat de la province, même sollicité par de mes amis, n’avait jamais acheté le moindre exemplaire. Exceptons pourtant l’un des ministres de l’Agriculture d’alors, l’honorable Éd. Caron. Pendant quelques années, un bon curé de Havre-aux-Maisons, des Îles-de-la-Madeleine, osait mettre quelques-uns de mes ouvrages sur la liste des livres qu’il se faisait donner pour ses écoles. M. Caron acceptait de bon gré la liste de l’abbé Turbide. Le ministre, faut-il le rappeler, était député des Îles-de-la-Madeleine, et le curé de Havre-aux-Maisons, son grand électeur. Or, mon éditeur, pour stimuler ses ventes, me pria d’autographier quelques « hommages d’auteur » qu’il se réservait d’adresser à celui-ci ou à celui-là. Il advint que l’un des « hommages » aboutit aux bureaux du premier ministre de la province, M. Alexandre Taschereau. Je retrouve, en ma correspondance, un accusé de réception sèchement poli de l’honorable ministre. Mais un autre exemplaire de L’Enseignement français parvint à M. Damien Bouchard, en ce temps-là président de l’Assemblée législative. Certes, ni l’ouvrage, ni surtout l’auteur ne méritaient les bonnes grâces de l’anticlérical député de Saint-Hyacinthe. Seulement il se trouvait que le président de l’Assemblée législative ne manquait pas d’ambition. Au politicien arriviste, deux moyens s’offrent, comme l’on sait, de gravir les hauts échelons : s’imposer aux chefs par la force du talent ou se faire craindre par velléités d’indiscipline. À ce moment de sa carrière, le député Bouchard, à qui il arrive de temps à autre de loucher vers quelque poste dans le ministère québecois, courtise volontiers l’opinion nationaliste. On le verra bientôt, sur les mêmes tribunes que le Dr Philippe Hamel, dénoncer avec véhémence le trust de l’électricité. Preuve d’un excellent flair, soit dit en passant. Peu d’années plus tard, Damien Bouchard décro-