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sixième volume 1931-1939

de directives. De nouveau j’allais aborder un sujet de poignante actualité à cette époque de grand chômage : « L’économique et le national ». Les débats politiques se centraient de plus en plus sur un sujet que tous les clairvoyants estimaient capital : l’exploitation des richesses naturelles de la province. Exploitation irraisonnée que celle du Québec, folle dissipation du patrimoine commun au profit du capitalisme étranger. Aberration des politiciens dénoncée par l’opinion régnante qui n’était pas loin d’apercevoir là la cause de tous les maux. Déviation, au surplus, qui n’avait pu se produire que par un divorce néfaste entre la vie économique et le souci national, l’intérêt commun. Depuis longtemps, je me promettais de traiter à fond ce problème. J’y songeais même en ces années de L’Action française où j’essayais d’attirer l’opinion sur le problème économique et ses implications en notre histoire. C’est surtout, à vrai dire, notre déplorable politique à propos des biens nationaux, richesses forestières, hydrauliques, minières, qui m’alarmait. D’ailleurs la première invitation ne m’était pas venue du Jeune Barreau de Québec. La Jeune Chambre de commerce de Montréal l’avait devancée de quelques jours. Je proposai aux deux groupes de traiter le même sujet chez l’un et chez l’autre. Et pour garder à la causerie sa pleine actualité ou sa qualité de primeur, il fut convenu que je parlerais à Montréal et à Québec, à trois jours seulement d’intervalle, soit le 12 et le 15 février. Mais la première invitation reçue peut expliquer le choix de mon sujet et ma façon de le traiter.

Dès ses premiers mots le conférencier de ce soir-là plonge ses jeunes auditeurs dans leur plus grave anxiété :

De tous les problèmes qui préoccupent actuellement la jeunesse, il n’en est pas sur lequel elle m’ait plus souvent demandé de m’expliquer que le problème économique, dans ses rapports, bien entendu, avec nos intérêts plus élevés. Comme tous les jeunes hommes de votre génération, certaines détresses vous tiennent angoissés : angoisse qui vous incline cependant beaucoup moins à l’analyse du mal qu’à la recherche des causes que vous soupçonnez de l’ordre moral et spirituel. Des aiguilles chez nous, c’est trop évident, accusent, en ce moment, d’effroyables retards, si même elles n’ont cessé de marquer l’heure. Notre vie économique a pris le morne aspect d’un cadran mort