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sixième volume 1931-1939
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Vers le même temps, m’arrive chez moi, au 847 est, Sherbrooke, Léo Pariseau. Pariseau est l’un de ces jeunes qui, les premiers, avec Ernest Gendreau, le Frère Marie-Victorin, se sont jetés dans les carrières scientifiques. Léo Pariseau a laissé une magnifique bibliothèque. Il est alors radiologiste à l’Hôtel-Dieu de Montréal. C’est un esprit cultivé. Nous nous connaissons peu. Pariseau n’est pas, en religion, un pratiquant. Cependant, ce jour-là, il me confesse qu’il aime fréquenter les églises, aux heures où elles sont vides. À son aise, il peut alors converser avec le Dieu du Tabernacle. Pariseau qui fait comme Péguy, aurait-il connu Péguy ? Il me dit la raison de sa visite. Un certain docteur Longpré, un pédiatre de l’Hôtel-Dieu de Montréal, l’a pris à partie dans Le Jour. Pariseau voudrait prendre ma défense contre ce qu’il appelle les « propos infects » du nommé Harvey. Il veut ma permission. Je le remercie de son bon vouloir, mais lui fais observer que j’y tiens assez peu, ma tactique — tactique dont je me trouve bien — ayant toujours été de laisser dire et laisser braire. Pariseau ne l’entend pas de cette oreille pour ce qui est de lui-même :

— Je m’en vais démasquer ce monsieur, me dit-il. J’ai le haut-le-cœur de ces farceurs qui passent leur temps à tournoyer autour des jupons des Sœurs et qui, dans leur petite loge, complotent contre les religieuses. Et je m’en vais exécuter ce M. Longpré dans le Journal de l’Hôtel-Dieu.

Je lui demande :

— Mais qui est au fond du journal Le Jour ?

M. l’abbé, je suis allé dernièrement y porter un bout de copie. Je n’y ai vu que des figures de Youpins.

Il semble que Le Jour ait été fondé pour combattre principalement, sinon uniquement, le nationalisme. L’indéracinable idéologie enflamme une autre génération. Les capitalistes juifs et anglo-canadiens s’inquiètent. Pour mieux émasculer le nouveau nationalisme et le mettre solidement en veilleuse, Maurice Duplessis vient de le confisquer à son profit. Henri Bourassa, tou-