Page:Groulx - Mes mémoires tome III, 1972.djvu/73

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
71
cinquième volume 1926-1931

— Qui est votre recteur ?

— Un Monsieur Vincent Piette.

— Qui est-il ? Je veux dire : quels sont ses titres ?

— C’est un prélat de Sa Sainteté.

— C’est une erreur. Il devrait être évêque. Lorsque les évêques protecteurs de l’Institut catholique de Paris m’ont proposé le rectorat de l’Institut, j’ai posé carrément mes conditions. J’accepte, ai-je dit ; mais si vous me jugez épiscopable, je vous supplierai de m’obtenir du Saint-Siège, la dignité épiscopale. Car je veux, Excellences, dans l’intérêt même de l’œuvre que vous me confiez, être en état de discuter de ses problèmes, de plain-pied, avec ceux qui en ont la suprême responsabilité. On m’obtint la dignité épiscopale. Et, comme vous le voyez, la Providence n’a pas si mal arrangé les choses, puisque Rome m’a même fait entrer dans le Sacré Collège.

Plus tard, je racontai à mon nouveau recteur, ce bout de conversation avec le cardinal Baudrillart. Mgr Maurault, comme bien l’on pense, se contenta de hausser les épaules et d’esquisser un large sourire.

À l’Institut catholique, je ne retrouve point mon auditoire de la Sorbonne. Beaucoup moins de monde. Les cours sont d’ailleurs fixés à la plus mauvaise heure possible : quatre heures moins le quart, c’est-à-dire à un moment de la journée où tous les étudiants sont retenus à des cours et où les gens du monde n’en ont pas encore fini avec leur besogne. Cependant je vois que, dans une lettre à ma mère (2 mars 1931), je lui confie :

J’ai fait, cet après-midi, ma dernière conférence à l’Institut catholique. Mon auditoire n’a cessé de s’accroître de conférence en conférence et en quantité et en qualité. Je pars donc content et tout le monde me paraît de bonne humeur.

Le spectacle de ces poignées de Français, si loin du Québec et surtout de la France, et s’entêtant en leur survivance culturelle, avait de quoi émouvoir les cœurs sensibles. Après ma conférence sur les luttes scolaires des Franco-Ontariens, je vois en-