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cinquième volume 1926-1931

autel latéral. Son corps est bien conservé, mais est devenu tout noir. J’ai prié pour vous, dans sa chapelle de sainte Philomène, votre patronne, pour laquelle, vous savez, il avait une grande dévotion et à qui il a arraché bien des miracles. Cette chapelle est toute pleine de béquilles et d’ex-voto. De là, je suis allé visiter le vieux presbytère du saint, dont on a fait une sorte de musée où sont conservées toutes ses reliques : ses vêtements d’église, son linge personnel, son mobilier. J’ai donc vu sa cuisine, sa fameuse marmite où il faisait cuire ses pommes de terre, son panier à pain, un vieux panier aux bords tout mangés, ses vieux souliers, avec semelles de clous. Dans sa chambre, on voit ses livres, deux ou trois vieilles chaises, une petite commode et son lit, le lit où il est mort et où le diable est venu tant de fois la nuit lui faire peur et l’empêcher de dormir. Le tout est d’une bien grande pauvreté. Et comme ce presbytère devait être froid en des journées comme je l’ai vu, alors que la terre était couverte de quatre à cinq pouces de neige. Une petite tempête d’hiver s’est abattue, en effet, pendant la nuit, sur la région de Lyon, en sorte que, samedi matin, je me serais cru au Canada.

Le voyage à Lille me plaisait davantage. Lille n’est qu’à trois heures de Paris. J’y trouverais aussi quelques connaissances : le jeune Père Georges-Henri Lévesque, o.p., alors étudiant en sciences sociales à l’Université lilloise, et, en ce temps-là, plus que fervent nationaliste. J’y trouverais aussi l’un des grands industriels de la région, M. Achille Glorieux, qui m’avait déjà rendu visite à Paris. Une publicité fort sympathique dans La Croix du Nord m’a précédé. La conférence a été fixée au soir du 19 février. M. Eugène Duthoit, doyen de la Faculté de droit, à l’Université de Lille, me présente. M. Duthoit ne paraît pas avoir gardé mauvais souvenir de la réception glaciale qu’on lui avait ménagée au Canada français, pendant la première Grande Guerre, alors que, missionnaire de son pays, il était venu réchauffer notre zèle militaire. Il trouve des mots charmants pour me saluer.