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VII

COURTE HISTOIRE
DU BLOC POPULAIRE CANADIEN

En quelle forme et en quelle mesure raconterai-je l’histoire de ce mouvement politique ? Mon propos est de m’en tenir aux faits dont j’eus connaissance et à ceux-là qui, malgré moi, m’ont mêlé à ce qui, hélas, par la faute des hommes, ne fut qu’une aventure. Triste aventure de tous les mouvements nationalistes, depuis le temps de Louis-Joseph Papineau, et par la faute d’un petit peuple, le plus routinier en politique, incapable d’échapper aux politiciens qui vivent de sa chair et de son sang. Peuple velléitaire qui voudrait bien être sauvé, mais qu’on le sauvât malgré lui.

Cette histoire du Bloc débute, pour moi, à Vaudreuil. Le 1er juillet 1942, une visite impromptue m’arrive, celle de René Chaloult, de Paul Gouin, d’André Laurendeau. J’ai noté la chose dans mon Petit journal des Rapaillages. René Chaloult est d’excellente humeur. Il sort victorieux du procès que lui a intenté le ministre de la Justice, M. Louis-S. Saint-Laurent. Un renard qui vient de berner un lion. Nous causons, nous soupons ensemble dans le solarium. Je fais visiter mon jardin, mes fleurs, en particulier mes lis royaux, « d’une hauteur prodigieuse sur tige : cinq pieds quelques-uns. Et quelques tiges chargées d’une douzaine de fleurs ». Mais les trois sont venus pour bien autre chose qu’admirer mes lis et autres fleurs. Je note, en mon journal, qu’ils sont venus « m’entretenir d’un vaste et bien important projet ». Et quel était ledit projet ? Ressaisir le mouvement nationaliste, tenter la formation d’un nouveau parti, renflouer l’idéal,