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septième volume 1940-1950

Montréal. La disparition du chef ne favorise guère l’organisation d’un parti à peine en marche. L’occasion s’offre on ne peut mieux aux intrigues, sinon même à quelques ambitions. À Montréal, André Laurendeau, bouillant de la fièvre de l’action, me confie déjà ses premières inquiétudes. Paul Gouin ne manifeste rien des qualités du chef ; il manque d’initiative, ne trouve rien à faire, à entreprendre. Et selon l’habitude de tous les inactifs qui boudent facilement les hommes trop remuants, Gouin prend ombrage de l’activité généreuse du jeune secrétaire. À Québec, les choses apparemment vont mieux. Le Dr Philippe Hamel s’est d’abord montré hésitant. Il a gardé plus qu’une amère amertume de l’affreux marché de dupes de 1936. Il n’entend pas se laisser prendre de nouveau en semblable aventure. Une visite chez M. Raymond et un échange de vues entre les deux hommes ont tôt fait de rassurer l’intransigeant docteur. Dans la vieille capitale, nombreux ceux-là qui saluent le Bloc comme un espoir de délivrance. Des assemblées dans la région et jusqu’au Lac-Saint-Jean attirent des foules. Mais voilà que soudain un nuage se lève.

Le cas Lacroix

Comment démêler ce cas Lacroix plus qu’embrouillé ? L’une des misères du Bloc, mouvement politique indépendant, privé des larges souscriptions des grosses compagnies et des opulents millionnaires, aura été de n’être financé que par deux hommes : le chef, Maxime Raymond, et Édouard Lacroix, député à Ottawa, riche industriel de la Beauce. Ainsi s’affirme, dès le début, une lourde dépendance du nouveau parti à l’égard de ces deux hommes. En outre, entre les deux, un lien s’est formé peu facile à rompre. Aux Communes d’Ottawa, Édouard Lacroix s’est rangé courageusement aux côtés du député de Beauharnois dans sa lutte contre la politique de guerre de MacKenzie King. Fidélité que Maxime Raymond ne peut oublier. Devenu partisan du Bloc, Édouard Lacroix a-t-il abusé de sa position de privilégié ? Nourrissait-il de secrètes et tenaces ambitions ? La