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septième volume 1940-1950

même dire comme à une mission dont il ne pouvait se dispenser. Et il sortait de l’aventure si terriblement frustré. Frustration comme beaucoup, hélas ! en portent dans cette pauvre vie, plaies profondes qui n’achèvent jamais de saigner. Le mouvement aura d’assez tristes épilogues. J’avais dit un jour aux dissidents : « Vous voulez tuer le Bloc ; vous y réussirez ; mais, en même temps, vous vous tuerez politiquement. » La carrière politique du Dr Hamel prit fin pour toujours. Celle de Paul Gouin s’arrêta là. Chaloult seul surnagea, à titre de député indépendant, s’accrochant tantôt au Parti libéral, tantôt à l’Union nationale, mais pour succomber enfin dans un lâche abandon et un vol d’élection présumément commandé par Duplessis.

Quant à Paul Gouin, il devait finir par une triste reddition entre les mains de l’homme qu’il avait tant combattu. Il s’en alla solliciter un emploi de haut fonctionnaire auprès de Duplessis. Celui-ci se garda bien de refuser. Il nomma Paul Gouin conseiller artistique du gouvernement, mais en tenant à préciser, et publiquement, que M. Gouin serait rattaché immédiatement au cabinet du premier ministre. Reddition qui rappelait, hélas, celle des anciens rois vaincus traînés vers le Capitole derrière le char du triomphateur romain.