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mes mémoires

si cet enfant a encore le don de m’impressionner, tant je me persuade qu’il me ressemble.

Tout ce que je sais et puis dire, et je m’en explique dans mon Avertissement, c’est qu’il n’est pas le grand fils ou le grand ouvrage qu’en ma jeunesse j’avais témérairement rêvé. Il n’est point, non plus, un simple ouvrage de vulgarisation, si l’on entend par là une substance historique mise à la portée de tout le monde, ou un livre bâti avec des matériaux de démolition ou avec les matériaux des autres. Il ne vaut que ce qu’il vaut ; mais même sans indication de sources ou références, et sans rien de l’appareil scientifique, je puis assurer qu’il est fait de matériaux neufs et uniquement de pièces d’archives. Je dois avouer, en effet, que je n’ai guère lu mes prédécesseurs, non, certes, par dédain ou mépris de ces méritants ouvriers, mais par souci de ne me laisser imposer ni leur façon de présenter ou d’interpréter les faits.

En résumé, et je l’ai déjà dit, c’est tout au plus, sur papier bleu, les lignes blanches de l’édifice qu’il arrive à tant d’hommes de ne pas bâtir. C’est un simple effort de synthèse historique, un essai d’explication de notre passé. Je souhaiterais toutefois qu’en cette image de lui-même que je suis allé chercher aux Archives, un petit peuple qui est le mien eût la joie de se reconnaître.

Les trois autres volumes suivront à un rythme assez rapide. En octobre 1951, l’on annonce le deuxième. Le 6 novembre 1952 un vin d’honneur est servi, au Cercle universitaire de Montréal, par la Ligue d’Action nationale, à l’occasion de la parution du troisième volume. Le 26 novembre, c’est le tour du quatrième volume. En deux ans et demi la synthèse a paru. À mesure que mes cours passent à la radio, cours que je ne donne jamais en entier dans les treize minutes qui me sont allouées, je n’ai qu’à revoir mes textes et à les expédier à mes éditeurs. La presse, il faut le dire, se montre on ne peut plus bienveillante. On croit posséder enfin une histoire du Canada, incomplète, imparfaite, sans doute, mais fruit de longues années de travail et qui apporte des vues originales sur maints aspects. L’auteur ne se fait point illusion sur la valeur de cette synthèse. Lorsque la maison Fides réduira les quatre petits aux deux grands volumes de sa collection Fleur de Lys, je le dirai en toute et franche sincérité : « La seule valeur de cette synthèse est qu’il n’en existe point d’autre et qu’il n’y en aura pas d’autre d’ici longtemps. » Je m’en étais expliqué,