Page:Groulx - Mes mémoires tome IV, 1974.djvu/317

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
303
huitième volume 1950-1967

tout du péché originel, du déséquilibre de l’homme, de la présence en lui de l’esprit et de la bête, de l’option décisive et souveraine à faire entre la domination de celui-là et de celle-ci, problème en somme de toute éducation. J’ai hâte, dis-je, de voir par quelle méthode mystérieuse, en dehors de l’ascèse chrétienne et de la collaboration de la grâce, des sacrements, l’on parviendra à nous bâtir des hommes équilibrés, vainqueurs de l’instinct et de leurs mauvaises passions, chefs-d’œuvre d’un nouveau christianisme. Heureuse génération que le jargon des futurs éducateurs, enrichi de psychiatrie et de psychanalyse, et de tout l’aggiornamento de la dernière heure, jettera dans la vie ! Légions de surhominisés à la Teilhard de Chardin !

D’autres jugements me survinrent et combien différents. Le livre à peine paru, trois jours plus tard, me venait d’un éducateur de Québec, le Frère Robert Sylvain, une confidence à me faire croire à une œuvre-choc : « J’ai terminé hier soir, vers minuit, la lecture faite d’affilée, de votre dernier ouvrage : Chemins de l’avenir. Vous m’avez tellement secoué que, deux heures après, je n’avais pas encore fermé l’œil ! Quelle clairvoyance dans le diagnostic des tares qui affligent une partie de notre jeunesse ! Comme vous analysez magistralement les causes qui ont produit la déliquescence, l’aveulissement actuels ! Votre scalpel, souverain, tranche impitoyablement dans les chairs putrides, mais pour dégager ce qui doit être sauvé. » L’on comprendra que je n’insiste point. Plusieurs aînés m’écrivirent sur ce ton. Dans les collèges, on fit silence. Un seul évêque m’écrivit une carte amicale. Mais nombre de jeunes gens me donnèrent raison ; des lettres touchantes me dirent combien j’avais éclairé, remué quelques esprits de la jeune génération. Et il y eut surtout pour Chemins de l’avenir l’allure qu’il prit en librairie. Les tirages se succédèrent à un rythme que je n’avais osé espérer. Un an à peine après son apparition, il en était au 8e mille ; il atteindrait bientôt le 10e . Résultat obtenu, il faut le dire, sans