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III

PROBLÈMES, ARTICLES ET CONFÉRENCES

J’ai beaucoup, j’ai même trop parlé en ma vie. À qui la faute ? Si un redoutable penchant à l’action existait au fond de moi-même, mener deux tâches à la fois ne m’a jamais plu. Mais il me fallut compter avec mes amis, avec mon petit public. Et ne serait-ce pas, en cette décennie de 1940-1950, que l’on aurait le plus sollicité mon avis sur presque tous nos problèmes ? En forme d’articles je donne à L’Action nationale une collaboration assez régulière, tantôt signée de mon nom, tantôt de mon ancien pseudonyme : Jacques Brassier. Beaucoup de pages de mes travaux d’histoire restés inédits y ont paru. De tous ces écrits, un seul serait peut-être à retenir, ce me semble, article d’une extrême sévérité. Comment l’avais-je pu écrire ? Étais-je effrayé devant les perspectives terrifiantes que nous ouvraient alors la guerre et l’après-guerre : affaissement de l’Europe, puissance accrue du colosse américain ? Quelques statistiques de publication récente nous avaient révélé nos faiblesses, en particulier notre impréparation trop générale aux tâches prochaines, un Québec français affligé de la main-d’œuvre ouvrière la moins qualifiée de tous les groupes ethniques vivant chez lui. En termes durs, je posais ma question : « Le type actuel du Canadien français — entendons le type politique, le type économique et social, le type culturel — est-il viable ? » Des conclusions peu rassurantes ponctuaient l’examen de chacun de ces types. Je ne criais point à la désespérance, à la fin de tout. J’évoquais, en mes dernières lignes, la possibilité d’une ressaisie. À l’aide d’un mot de Péguy : « Il faut que ce peuple se refasse et qu’il se refasse de toutes ses forces », j’écrivais : « C’est