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domaines de notre vie… » Dès 1921, dans l’article où j’annonce la prochaine enquête de L’Action française (sur le problème économique), j’écris : « Chacun sait avec quelle acuité ce problème se pose chez nous, dans notre province. Il n’est pas un seul de nos intérêts intellectuels ou moraux qui n’y soit lié de quelque façon. » Et encore : « Un peuple n’est vraiment maître de sa vie spirituelle — j’aurais pu dire “culturelle” — que s’il détient l’entière possession de son patrimoine matériel… La question nationale chez nous est une question économique. »

Étions-nous opposés à l’intervention de l’État en cette libération ? Non point. Et pour l’excellente raison, rappelions-nous dès lors à la jeunesse, qu’il lui faudra « faire admettre que l’être ethnique de l’État québecois est depuis toujours irrévocablement fixé ». Eh oui ! dès lors je croyais à l’État français et à ses devoirs envers la nation. Et j’entends insister sur ce texte que j’estime capital dans la petite histoire de ma pensée : « Une histoire de trois siècles, disais-je donc, un statut juridique et national inscrit, amplifié depuis 1774, tout cet ensemble a fait du Québec un État français qu’il faut reconnaître en théorie comme en pratique. La Confédération a ce sens ou elle n’en a point. Cette vérité de droit et de fait… doit gouverner chez nous l’ordre économique, comme on admet spontanément qu’elle doive gouverner les autres fonctions de notre vie. » « Je m’élevais, dans les mêmes pages, — je parle toujours de l’enquête de 1921 — contre la mise à l’enchère publique de nos ressources naturelles, ainsi qu’on avait fait des plaines de l’Ouest. Je m’indignais que ces ressources fussent vendues aux plus hauts prenants sans le moindre souci des droits nationaux. » Et j’appuyais : « Le domaine national, le capital d’exploitation n’a jamais eu, pour nos gouvernants, de nationalité, pour cette raison qu’en leur esprit l’État n’en a point. »

Intervention de l’État dans la libération économique ! Opinion, me faisait observer Laurendeau, qui s’est fortifiée chez vous avec le temps ? J’en convenais, surtout après la rédaction du programme de « Restauration sociale » de 1933 par des économistes et des théologiens. En témoignait ma conférence sur « L’économique et le national », prononcée en 1936, devant la Jeune Chambre de commerce de Montréal et le Jeune Barreau de