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huitième volume 1950-1967

expressions aussi fausses et vulgaires. J’avais toujours pris le premier Ministre pour un gentilhomme. Je regretterais d’avoir à changer d’idée. » Mes amis ne tardèrent pas à riposter dans les journaux. Mais encore une fois la flèche empoisonnée était lancée dans le monde anglais. Et comment, en ces milieux, pouvais-je avoir raison contre le premier Ministre ? Pourtant on me lut davantage. La Revue d’histoire de l’Amérique française répandue dans le monde anglo-canadien me présenta sous un autre jour. Et il s’ensuivit que, dans ces mêmes milieux, je trouvai apaisement. On sollicita des entrevues ; on voulut scruter le fond de ma pensée. Et je devrai dire combien d’amabilités l’on se plut à me prodiguer. De ces entrevues, j’ai gardé le souvenir de quatre : la première, du Star Weekly (4 avril 1964) ; la deuxième, du Star de Montréal (23 janvier 1965) ; la troisième du Winnipeg Tribune par Cy Fox (13 mars 1965) ; la quatrième, de la Gazette de Montréal par Hubert Gendron (12 janvier 1966). J’hésite à résumer ces entrevues, tellement, en dépit de la condescendance des interviewers s’y sont faufilées d’imprécisions et de faussetés. Nos amis de l’extérieur ont tant de peine à nous comprendre. Me fais-je illusion ? Au cours de ces entrevues qui tournent parfois à la controverse, j’ai l’impression d’exprimer quelques vérités, de remettre beaucoup de choses au point. Ainsi, à propos de politique et à l’accusation de « séparatisme » ou même de « racisme » mes dénégations s’accompagnent toujours d’une offensive : « séparatiste ? non ; raciste ? non ; nationaliste ? oui, mais moins que vous. » Sur ce dernier point, offensive qui laisse mes interlocuteurs éberlués. De toute évidence, ils n’ont jamais mesuré la virulence de leur nationalisme : écrasement des minorités françaises rencontrées sur leur chemin, part plus qu’incongrue réservée à la langue française, à l’école catholique ; violations incessantes de la constitution : pour ce faire, perversion du patriotisme canadien par l’hypertrophie du sentiment britannique, etc. Au reporter de la Gazette de Montréal, un Canadien français qui déplore les dangers de la dualité canadienne, j’ose répondre : « À qui la faute ? Nous étions seuls ; nous ne vous avons pas appelés… Vous êtes venus nous conquérir… Vous n’avez pas réussi à nous assimiler… Il vous reste à nous endurer. » Et si je ne suis pas séparatiste, insiste-t-on, qu’est-ce donc que mon nationalisme ? Je riposte : « Qu’est-ce que le vôtre ?