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mes mémoires

président d’honneur. Interrogé par ses voisins, l’évêque se déclara on ne peut plus satisfait : « C’est exactement ce qu’il nous faut », aurait-il même ponctué. La Frontière, journal de Rouyn-Noranda, publie tout de suite le texte de la conférence. Mes amis de la région sollicitent le privilège de mettre mon texte en brochure pour une plus large diffusion. Mais, à peine de retour à Montréal, une lettre du directeur de La Frontière m’apprend qu’il faudra déchanter. L’ancien recteur de l’Université d’Ottawa sent-il se réveiller des susceptibilités mal endormies ? En bon diplomate, il n’ose point refuser l’imprimatur à « Nos problèmes de vie ». Il choisit la voie oblique et déclare avec candeur à ces enthousiastes de La Frontière qu’il ne peut soumettre à la censure la conférence de l’abbé Groulx. Et la brochure ne parut point à Rouyn. Elle parut à Montréal. Mon bon ami, Paul Ostiguy, indigné, s’empare de mon texte et sans m’en souffler mot, le publie clandestinement, à ses frais, sous les auspices de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal. Et Rouyn en reçoit une bonne provision.

Pour le malheureux conférencier l’occasion s’offre trop belle de faire savoir au Délégué apostolique à quoi se peut exposer le téméraire critique de quelque aspect que ce soit de notre enseignement. Il envoie à Son Excellence le texte de sa conférence et un exposé explicatif du refus d’imprimatur de la part de l’Evêque de Timmins. Le 3 août 1940, cette réponse d’une discrétion savamment voilée m’arrive de la Délégation :

Monsieur l’abbé,

Je vous remercie d’avoir eu l’amabilité de m’adresser le texte de la conférence que vous avez prononcée le 24 juin dernier. J’ai lu vos déclarations avec l’intérêt qu’elles méritent. Puisse le bon Dieu bénir et féconder votre apostolat en faveur d’une génération courageusement catholique et intégralement canadienne.