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septième volume 1940-1950

tant de jeunes prêtres passionnés cependant pour leur ministère d’enseignants, mais dans la cruelle impuissance de faire mieux. Cet évêque n’était nul autre que l’ancien « Petit Père » Rodrigue Villeneuve, hier évêque de Gravelbourg et devenu soudain archevêque de Québec. À l’été de 1932, il était venu passer deux jours à mon ermitage de Saint-Donat. Ensemble, nous avions repris tout le problème. J’en dirai davantage plus loin. Mais, tout de suite, avec cet élan, ce neuf qu’il avait dans l’esprit, l’Archevêque résolut de se faire l’avocat du projet. Il me demanda des notes, un mémoire sur le projet. Et il s’en servit copieusement.

Le projet va rebondir six ans plus tard et tomber cette fois dans le public. Voici comment. Depuis quelque temps, un projet de lycée laïque est dans l’air. Quelques jeunes professeurs, quelques chefs de file, plus ou moins conseillés ou pistonnés par un jeune Jésuite, celui qu’on appelle « le grand Mignault », agitent l’idée. Elle arrive à son heure, me semble-t-il. Et l’on eût étouffé, dès lors, d’amères revendications. Je m’en ouvre à mon ami Fréchette : il nous faut un lycée canadien, non pas un lycée, apporté de l’étranger, fût-ce de la France. Un lycée de France, pensais-je, ne pourrait nous former que de petits internationalistes, amoureux du vieux pays d’outre-mer, mais dédaigneux de leur petite patrie québécoise. Malheureusement l’administrateur du diocèse de Montréal, Mgr Georges Gauthier, prend mal la chose. Et « le grand Mignault » se voit exiler dans l’Ouest canadien. L’évêque coadjuteur vient de se rallier à un autre projet. L’on souhaite quelque rénovation de notre enseignement classique. Mgr Gauthier juge préférable à un lycée laïque, la fondation d’une sorte de succursale à Montréal du Collège Stanislas de Paris. Le sénateur Raoul Dandurand pousse puissamment à la roue. Un soir même il invite à dîner chez lui, à sa résidence princière du chemin Sainte-Catherine, une dizaine de jeunes qui commencent à compter dans l’opinion, parmi lesquels j’aperçois le Frère Marie-Victorin, Léon-Mercier Gouin, Hermas Bastien,